jeudi 26 février 2009

Le OFF 4 : Quand Deauville nous transporte...


C’est le lundi, que mon cœur a commencé à s’emballer… Un premier danois est apparu sur scène, accompagné de deux acolytes du grand Nord…Mads Reflund, chef du restaurant éponyme MR à Copenhague a enchainé avec rapidité et efficacité sept plats d’affilés, évoquant la nature danoise. Les produits choisis sont ceux que Mads est allé récolter ; des radis, des betteraves, de la laitue… il fait germer lui-même son ail et ses oignons dans du papier journal et transforme devant nous les légumes en évocation de la campagne danoise…c’est concis, précis et pur !
Kultorvet 5 • 1175 Copenhague (Danemark) • +45 3391 0949 • http://www.mr-restaurant.com/






Le lendemain ce sont les deux autres chefs venus du haut Jutland : Thorsten Schmidt accompagné de Rene Redzepi qui ont reconstitué sous les projecteurs le paysage de leur région nordique dans chacune des assiettes dressées : la forêt, avec une glace aux copeaux de chêne, la plage avec une assiette inoubliable constituée d’un coussin d’eau sur lequel repose de l’écume à base de raifort et de yaourt, de Saint-Jacques, concombre, salicornes et algues… le lac avec un brochet caché sous du plancton évoqué par du citron confit de l’ail, des poireaux et du salsifis… Quant au dessert : du chocolat transformé et de la glace à la noisette reconstituent un sol terreux, le sol de l’hiver dans le Jutland… Nous étions au Danemark pendant quarante cinq minutes …

Jaegergardsgade 81 • Arhus (Danemark) • Tél. : +45 8617 7088 http://www.mallingschmidt.dk/
http://www.noma.dk/



Puis, la journée avançant, Heston Blumenthal s’est transformé sur scène en grand lapin blanc pour nous faire entrer dans l’univers de « The Fat Duck ». Une montre à gousset joue le miroir qui nous permet de passer des gravures du conte de Lewis Caroll projeté sur un écran à la cuisine moléculaire… les explications techniques s’envolent devant la magie britannique…


The Fat Duck • High Street • Bray SL6 2AQ Berkshire • England • Tél. : +44 1628 580 333 • www.fatduck.co.uk

Et c’est Ferran Adrià, le chef de El Bulli, qui a emporté mon cœur en lambeau en nous délivrant le secret : « il ne sert à rien de comprendre, il faut simplement se concentrer sur les sens »… L’âme est la clef…


Cala Montjoy, Ap. 30 • 17480 Roses, Gérone (Espagne) • Tél. +34 972 150 457 • http://www.elbulli.com/

Retour du Omnivore Food Festival 4 à Deauville

Que retenir du OFF ?
Le premier jour du festival s’est ouvert sur le leitmotiv de « lisibilité », Ferran Adrià a conclu en nous enchantant avec le mot « âme ». On pourrait probablement entre les deux creuser un fossé… D’ailleurs c’est ce qui a semblé un temps. Une partie des chefs invités cuisine, avec talents, des produits de qualité identifiables, comme un retour aux sources après avoir fait leurs preuves. Après avoir voulu courir après les étoiles, la simplicité et l’authenticité reviennent au galop, humblement (ou presque).

D’autres rêvent… et nous emmènent loin, très loin : dans les contrées danoises à la poésie cristalline, dans les lectures victoriennes d’ « Alice aux Pays des Merveilles », et jusque sur la terre espagnole aromatisée aux effluves nipponnes.

Si les premiers nous ont fait saliver, les seconds nous ont littéralement transportés. Derrière une technique maitrisée de toutes parts, les deux rives s’éloignent pour se retrouver tout de même au confluent du partage. Car tous (ou presque) étaient mus par l’envie de donner. Deauville cette année, c’était un peu l’histoire d’ « un homme et une femme ». L’émotion était omniprésente et, à la fin, les yeux se sont embués. Chabadabada…

lundi 9 février 2009

William Ledeuil - portrait

C’est dans la salle de son restaurant, Ze Kitchen Galerie, que William Ledeuil a la gentillesse de me recevoir.
Pendant le service du déjeuner j’avais pu avoir l’occasion de l’observer en cuisine grâce à la baie vitrée séparant la salle des fourneaux. Concentré pendant le service, William Ledeuil est un homme accueillant et discret qui ne fait pas partie de ces chefs lointains et hautains mais travaille l’élégance de la simplicité.

Le chef cuisinier se destinait tout d’abord à la gestion hôtelière. C’est au cours d’un stage chez Guy Savoy que l’aspect culinaire l’a séduit. Auprès de ce dernier, il a acquis des bases suffisamment solides pour pouvoir s’en écarter et s’épanouir avec une cuisine qui lui ressemble : ouverte au partage et généreuse, respectueuse des produits et de ceux qui vont s’attabler.

Les assiettes sont marquées par des accents culinaires de l’Asie du sud-est et du Japon. Les produits sont choisis avec soin. Les voyages lui permettent d’approfondir ses connaissances en suivant des stages de cuisine auprès de chefs asiatiques. C’est au cours de ces sessions qu’il apprend à maitriser d’autres modes de cuisson, d’autres savoir-faire.

Lorsque William Ledeuil revient, sa valise est pleine de nouveaux produits à essayer. Emporté par l’excitation, il essaie tout, à profusion. Puis se lance dans la phase où il épure au maximum chaque trouvaille afin de marquer le goût, de le rendre à fois puissant mais aussi discret. La difficulté réside dans l’équilibre à trouver entre les différentes saveurs. William Ledeuil aime mettre en scène les différents ingrédients d’une assiette. Il offre le visuel et l’olfactif, ainsi que la qualité des produits et leur préparation. Ainsi ce bœuf wagyu, issu d’un élevage situé près de Burgos dont la technique d’élevage est similaire à celle de Kobé. Le chef fait cuire le bœuf trente deux heures à basse température avant de le servir avec une sauce teriyaki et ananas. Le bœuf est fondant, délicieux, savoureux.

C’est ce jeu de mise en scène perpétuelle qui intéresse William Ledeuil. Comme au théâtre, il aime les interactions entre la salle et la cuisine, amusé de voir qu’un service n’est jamais identique à un autre. L’assiette servie, chaque visiteur est invité à créer sa composition en assemblant des bouchées à l’envie. Et pour éviter une improbable routine, la carte change toutes les six semaines environ.

William Ledeuil est un artiste qui, tout en sincérité et en générosité, joue pour le plaisir de nos sens.

Ze Kitchen Galerie
4 rue des Grands Augustins
75006 Paris
01.44.32.00.32
http://www.zekitchengalerie.fr

Ouvert tous les jours de 12h à 14h30 et de 19h à 23h, sauf le samedi midi et le dimanche

Ze Kitchen Galerie

Dans les ruelles encore pavées et resserrées du Paris des galeristes, Ze Kitchen Galerie, par une entrée discrète ne laissant guère deviner l’intérieur, ouvre sur un improbable loft. Nous pourrions être à Anvers ou Barcelone, New York ou Berlin.

Dès le vestiaire je pense à Picasso ou à Miro pour les tons bleu roi, rouge rouille, jaune ocre. D’ailleurs, la peinture contemporaine est à l’honneur sur les murs de la salle : de grands tableaux colorés sont accrochés, exposés aux yeux des mangeurs, comme une continuité du contenu des assiettes. La salle du restaurant est à l’image de la cuisine servie : des bases connues, assemblées entre elles dans une sorte de mélange de couleurs, de structures, de textures.

Installée sur une banquette en skaï, je peux observer des tables rondes qui permettent des échanges conviviaux. De grandes baies vitrées font entrer la lumière qui joue sobrement avec l’éclairage doux du restaurant.

Le service est prompt, efficace, d’une discrète élégance. Le temps passe vite entre la commande et l’arrivée de l’entrée. Pendant ce court laps de temps, je peux observer la brigade de William Ledeuil s’activer en cuisine. Chacun à son poste offre une démonstration de concentration et de précision.

Je suis tirée de mes rêveries par le serveur qui place l’entrée de mon repas sur la table, juste couverte d’un set de table à carreaux. Le visuel est impressionnant et très vite rattrapé par les effluves qui remontent de l’assiette creuse.

Un velouté de pommes de terre relevé d’une émulsion de cacahuètes entoure un îlot composé de champignons en morceaux ou entiers, de volailles grillées, de cives chinoises ciselées et de coriandre. Un petit nuage léger surmonte le velouté.
La vue ayant été satisfaite, je décide de mélanger les ingrédients afin de faire ressortir les odeurs et de mêler les différentes saveurs. Chaque cuillerée est différente en fonction de ce qu’elle contient. L’assiette achevée, je jette un coup d’œil alentours et me permets même, de saucer l’assiette.

Le plat suivant est généreux. Telle une palette de peinture, il dévoile deux morceaux de daurade cuits à la plancha. Le poisson argenté dessus offre une chair blanche et moelleuse sous la peau. Deux tranches orange de patates douces cuites à la vapeur sont cachées sous le poisson et apparaissent lorsque l’on en coupe un morceau. Au milieu de l’assiette, tel un godet de peinture orangée, une sauce épaisse d’agrumes relève étonnamment l’assiette. Une touche finale de vert et de brun est apportée par une plante qui ressemble à une petite bettacarde et par des ovales d’olives avec des graines à l’intérieur. Chaque bouchée est savoureuse. Le temps passe tandis que nous marions les saveurs de l’assiette une à une ou deux à deux. Le plaisir du jeu à table est autorisé et même recommandé.

Le second plat saucé, la faim vient à manquer. Je me contente d’observer avec regret, et du coin de l’œil, le dessert de mes voisins, dernière touche au tableau éphémère de mon repas.

Ze Kitchen Galerie
4 rue des Grands Augustins
75006 Paris
01.44.32.00.32
http://www.zekitchengalerie.fr/

Ouvert tous les jours de 12h à 14h30 et de 19h à 23h, sauf le samedi midi et le dimanche

dimanche 1 février 2009

Mukura - cuisine colombienne



Le froid est revenu à Paris et la morosité est ambiante… Vendredi soir, cherchant un peu de gaîté, je décidais, avec une amie, d’aller tenter le diable colombien dans le dix-neuvième arrondissement parisien. Adresse incongrue dans ce quartier entre les traiteurs chinois de Belleville et les restos-bistrots-bobos du quartier de Jourdain, Mukura, petit restaurant colombien, transforme la nuit noire en moment sud américain.

Dès la porte poussée, les couleurs flamboyantes des murs nous entraînent de l’autre côté de l’Atlantique. Le sourire enjoué d’Esperanza nous accueille et nous installe au milieu de la petite salle haute en couleur orangée.

Nous hésitons devant la carte et exprimons notre curiosité devant les plats énumérés par notre accueillante hôtesse. A l’écoute de notre commande, Esperanza esquisse un sourire et, tout en complicité, nous informe que les plats sont très copieux. Elle ajoute avec son accent sud américain qu’elle souhaite, avant toute chose, partager sa passion pour la cuisine colombienne, pas nous faire manger à l’excès. Elle nous incite à ne prendre qu’une entrée et un plat que nous partagerons.

Esperanza n’est pas une menteuse ! L’entrée est gargantuesque. Dans un plat, se dressent serrés, des tacos, empanadas, beignets de banane plantain, chicharrons, ceviche de cabillaud, guacamole, tortillas, crevettes marinées, pommes de terres au manioc… Bien que consistants, les mets ne sont pas gras pour autant. Nous nous délectons alternant le croustillant avec le moelleux, le suave avec l’épicé. Les fourchettes restent à leur place, les mains s’amusent à picorer. Ezperanza décide que nous avons besoin de vitamines et se rue sur son mixeur pour nous préparer deux jus de fruits frais aux consonances inconnues à nos oreilles : l’un est orange, l’autre vert, comme la peinture qui recouvre les murs !

Le restaurant se remplit, les tables se partagent, l’ambiance se réchauffe et les paroles sont espagnoles.

Notre entrée satisfait amplement nos estomacs, et laisse peu de place pour le plat suivant. En nous apportant l’hallaca, Esperanza nous fait voyager. Nous apprenons avec elle la géographie sud américaine et les traditions culinaires des différentes régions colombiennes. Ainsi, notre plat est une sorte de Tamale, plat traditionnel mais décliné à la mode sud colombienne, région frontalière du Venezuela. Il s’agit de viandes de porc, poulet et bœuf avec des légumes, mélangées à de la farine de maïs et cuites à l’étouffée dans une feuille de bananier. Un peu de riz accompagne ce plat à la vapeur, ainsi qu’une sauce à base d’avocat.

Le service est enjoué, on ne nous presse pas de sortir, on s’enquiert de notre bien être. La salsa en fond sonore se fait soudain plus audible. Un couple se lève, se laissant entraîner dans des pas de danse rythmés. Dehors la ville dort.

Mukura
82 rue Rébéval
75019 PARIS
01 42 49 34 05

ou
79 quai de Valmy
75010 PARIS
01 42 01 18 67