vendredi 26 juin 2009

ET... des macarons au fromage - Jean-Paul Hévin

Cette fois, j’avais revêtu mon costume de kamikaze. Ayant longtemps tergiversé sur la pertinence de goûter les chocolats fourrés au fromage de Jean-Paul Hévin, j’ai laissé passer la saison. Le produit étant fragile, il cesse d’être fabriqué lorsque les cigales se mettent à chanter. Dépitée, en apprenant cette triste nouvelle, j’ai cherché une alternative afin d’amoindrir ma déception. Mes yeux déboussolés parcouraient rapidement la vitrine, lorsque l’on me présenta une petite boîte rectangulaire renfermant six macarons de couleur estival et fort appétissants. Ainsi donc, l’été proposait non plus du chocolat mais des bouchées multicolores fourrées au fromage…

Impatiente, je dus cependant attendre d’être arrivée chez moi afin de repousser l’élastique bleu roi qui maintenait fermé le coffret cartonné. Profitant d’une solitude éphémère, je choisis l’un d’eux vert vif et violet… il est toujours difficile de mettre précisément un nom sur une saveur, mais je finis par deviner que le pont-l’évêque était entouré d’une coque au thym très parfumée. La surprise gustative était réelle et je m’apprêtais à saisir une deuxième pièce afin de trancher un avis définitif. La coque fuchsia et jaune m’attirait. Je dus cependant suspendre mon geste, afin de faire preuve de sociabilité et partager ma découverte avec d’autres estomacs curieux. La multiplication des palais fut une aubaine car j’avoue avoir ensuite séché sur la reconnaissance des compositions. Les macarons se retrouvèrent coupés en quarts afin de tenter les devinettes : l’époisse se dissimulait derrière un goût de cumin, le roquefort était marié avec une pointe de curry et enfin, le chèvre, avec une couverture subtile de poivre de Sichuan.

Quant aux avis… ils furent mitigés ! Heureuse surprise pour certains, trop provocante pour d’autres… La témérité, n’étant pas un vice, il est évident que l’étape prochaine sera le fromage enrobé de chocolat.
Jean-Paul Hévin
231, rue Saint-Honoré 75001 Paris
Tél :+33 (0)1 55 35 35 96
23 bis, avenue de la Motte-Picquet75007 Paris
Tél : +33 (0)1 45 51 77 48
3, rue Vavin 75006 Paris
Tél : +33 (0)1 43 54 09 85

lundi 22 juin 2009

L'éclair parfait - Jean-Paul Hévin



La pâtisserie peut tenir lieu de dessert… mais pas seulement. Parfois, il suffit de passer, plus ou moins consciemment dans une rue, prétextant une balade d’humeur badine et, tout en faisant mine de se perdre, se retrouver rue Saint-Honoré. Comme pour se mentir, il vient à l’esprit l’idée de continuer à pied afin de profiter de la beauté parisienne. Et puis, le regard capte des pas arrêtés devant une vitrine et les mots, inscrits sur le verre, se frayent un chemin jusqu’à l’esprit : Jean-Paul Hévin.

L’été approche mais la chaleur, ennemie du chocolat, n’est pas encore installée, il serait dommage de ne pas se laisser tenter… le bras se tend sans se faire prier vers la porte d’entrée, la pousse. Corps et esprit sont happés, impossible de faire marche arrière. Le sourire apparaît, la sagesse tente de faire reculer les envies qui, hélas, débordent, et les paroles sortent sans contrôle : un éclair au chocolat ET … encore un petit plaisir… parfois une tablette de chocolat, parfois un autre gâteau… jamais un « ce sera tout, merci ». L’éclair est déposé, comme par provocation, dans un sachet en papier que l’on peut aisément ouvrir sitôt la sortie franchie. Or quoi de mieux que la lumière du jour pour se rassurer sur la gourmandise ravie ?

La pâte à choux est dorée, presque satinée à certain endroit. Le glaçage apporte la touche indiquant visuellement la saveur enfermée dans la pâte à choux farcie. La brillance est réussie et ne colle pas. L’éclair est conforme aux attentes imprimées dans les souvenirs. L’envie de croquer ne peut plus être combattue. L’impression en bouche est constante. Le croquant de la pâte à choux s’ajuste parfaitement à la crème délicieusement chocolatée, justement équilibrée, élaborée à partir de fèves en provenance d’Amérique centrale. L’éclair est si bien réussi que le temps entre chaque bouchée peut s’étaler sur plusieurs mètres de promenade, le temps de parvenir devant le Louvre et de décider de profiter de cette journée fraîche et ensoleillée en passant sous les arcades pour découvrir la pyramide.

231, rue Saint-Honoré - Paris 1er
23 bis, avenue de la Motte Picquet - Paris 7ème
3, rue Vavin - Paris 6ème



samedi 6 juin 2009

Rencontre avec un grand cuisinier: Michel Troisgros


Dans la famille Troisgros, il y a Jean, il y a Pierre... et il y a Michel. Pour un peu, on pourrait se croire dans un film de Sautet, excepté que l'affaire se passe à Roanne et que le bistrot est un restaurant étoilé. Michel, fils et neveu, avait déjà un nom constellé. Le prénom a revêtu la même étincelle que ses prédécesseurs par son positionnement affirmé dans la succession. Il s'agit en effet d'une histoire de famille que nous raconte Michel Troisgros dans son livre éponyme. « Ce n'est pas un livre de parmesan, de pasta, de basilic ou de pizza » mais bien son Italie, mi-réelle, mi-imaginaire. L’Italie qu’il évoque, souriant, décrivant un voyage en voiture, rythmé par plusieurs étapes avant l'arrivée dans le Frioul, le temps des moissons.

Ce livre, c'est le témoignage de l’identité simple de la cuisine italienne dans la cuisine de ce chef reconnu. Identité qui est aussi un hommage à sa mère et sa grand-mère qui ont transmis à Michel, l'art naturel du geste maîtrisé, de l'instant, de la générosité, du partage, « cette cuisine du rien qui donne beaucoup ».
Le cuisinier de Roanne raconte sa fascination pour la trancheuse à jambon, véritable pièce trônant au centre de toutes les trattorias, et qui coupe de fines, très fines et justes tranches. D'ailleurs dans sa cuisine, la trancheuse laisse trace de sa présence avec des lamelles du légitime jambon, mais aussi de pastèques, d'autres légumes et fromages. La maîtrise de la coupe, Michel Troisgros en a fait une démonstration le matin même à Olivier Roellinger, le laissant admiratif devant cet enchaînement aux allures chorégraphiques. Le chef coupe, émince mais pile aussi. Ainsi son goût pour l'usage du mortier, rappelant que le pesto se cuisine en broyant manuellement du basilic afin d'en extraire l'essence.
Michel Troisgros reconnait également dans son ouvrage, toute sa place à une saveur mal aimée dans notre contrée: l'amertume, plus appréciée de l'autre côté des Alpes. Il l'intègre dans ses menus, de façon construite et pondérée, à peine perceptible mais indispensable à l'équilibre du plat.

Il joue ensuite avec le croustillant des textures dans l'assiette et s'emporte. Les mains s'agitent au rythme des mots lorsqu'il nous livre une recette « basique » faite de spaghettis, de poivrons revenus à l'huile d'olive et de miettes de pain jetées dans la poêle. Emporté par l'image gestuelle, l'aigre-doux, autre composant entrant dans les plats de Roanne, est tout juste frôlé par les mots, le temps s'écoulant à la vitesse d'une cuisson à feu vif.

La table de Michel Troisgros ressemble à l'image de celui qui la construit chaque jour: faite d'une tradition vivante, gustative, réinterprétée de façon respectueuse et généreuse.

mercredi 3 juin 2009

Le safran, épice mal aimée, épice recherchée.


Sous l'égide d'Olivier Roellinger, le cuisinier voyageur, Ingrid Astier et Catherine Calvet ont évoqué le mystère du safran, une épice sans concession provenant du crocus sativus. Cette fleur timide, que l'on ne trouve pas à l'état sauvage, pousse à ras-le-sol pour éclore en octobre. La floraison réserve bien des surprises. De couleur parme, elle révèle en son cœur trois pistils rouge vermillon qui offrent à ceux qui les effleurent une teinture jaune d'or. Parant de cette couleur les mets auxquels elle se mélange, elle imprègne aussi les tissus de son intensité. Si cette épice est l'une des plus chères au monde, l'une des plus copiées aussi, elle est pourtant fortement délaissée dans nos cuisines depuis deux cents ans et demeure méconnue, si ce n'est snobée.


Il apparaît que cette mise en quarantaine d'une épice des plus utilisées au Moyen-âge, s'explique par son usage pharmaceutique qui lia l'identité de son odeur à celle du médicament. Cet aspect médicinal, associé à la dénaturation de sa saveur par le marché de la contrefaçon dont elle fait l'objet, contribue grandement à sa discrétion dans son utilisation culinaire.


La subtilité de son odeur inimitable est telle que sa qualification isolée n'est pas des plus aisées. Alain Passard la définit comme ayant un « côté vineux lié à un nez de brioche chaude ». Pour Guy Martin, « sa cannelle est son safran ». Olivier Roellinger, pour qui les épices occupent une place centrale dans sa cuisine, reconnaît avoir laissé peu de place à cette dernière. Il associe son odeur à celle d'une herbe légèrement séchée, un rapport subtil entre l'humidité et le séchage volatile de différentes herbes.


Tous reconnaissent cependant la délicatesse de sa saveur lorsqu'on mêle les pistils infusés à la rose ou encore à la cardamone. D'autres associations sont évoquées : le safran et le coing qui se subliment dans un mariage sensuel, mais aussi le contraste de l’épice avec la chlorophylle de la rhubarbe et l'acidulé citron. Le safran est une épice qui doit être utilisée pour venir perturber les autres éléments d'un plat afin de créer une véritable surprise gustative, à l'image du printemps qui promet tous les possibles.

Olivier Roellinger
1 rue Duguesclin
35260 Cancale
+33 (0)2 99 89 64 76
Ingrid Astier
Auteur du: Safran l’or de vos plats, avec Jean Thiercelin (Agnès Vienot éditions, 2007)

Catherine Calvet
safranière dans le Quercy

mardi 2 juin 2009

Portrait de Catherine Calvet, safranière dans le Querçy


A Saint-Malo, au festival des Étonnants Voyageurs, lorsque l’on parle de safran, on pense immédiatement à la partie en bois que l'on fait coulisser dans la coque du bateau afin de le rendre stable sur une mer qui ne l'est pas toujours. Mais il ne s'agit pas de ce safran là dont nous parle Catherine Calvet. Ayant quitté, le temps d'un week-end, sa safranière du Querçy, dans le nord de Toulouse, cette agricultrice est venue pour nous parler de ce pistil mystérieux, aux allures voyageuses. Si son rouge sang et son odeur musquée évoquent des contrées lointaines comme l’Iran ou l’Inde, il est surprenant de découvrir que la fleur se cultive dans le Lot!


Cette épice qui avait été cultivée dans cette région dès le Moyen Age, avait disparu au moment de la Révolution Française. Deux cents ans plus tard, quelques agriculteurs regroupés en coopérative décident de reprendre la culture du safran malgré l’absence de traces écrites relatant la technique. Dix années passées, la rédaction d'indications s'avère cependant impossible: à mode de cultures identiques, les résultats de la récolte sont capricieux. Le seul secret réside dans la persévérance du labeur. Pour produire un gramme de cette coûteuse épice, cent cinquante à deux cents fleurs doivent éclore courant octobre. S'ensuit alors l'étape harassante et chaotique de la récolte, lorsque soudainement, un matin, alors que la nature ne donne aucun indice, les crocus sativas s'ouvrent avec la rosée. Les fleurs ramassées, il faut ensuite les émonder, c'est-à-dire ôter délicatement les trois pistils qui, une fois séchés, constitueront les précieux filaments.


Catherine ne s'arrête pas à cette étape mais travaille encore le safran pour le transformer en produits divers, essentiellement sucrés, comme le sirop de safran. Néo-rurale comme elle se qualifie, elle est attachée à la culture biologique afin de retrouver les saveurs authentiques des produits et par souci pour l'environnement. Attachée à la transmission de son savoir-faire, elle animera cet été des ateliers afin de partager sa passion pour cette épice.

Catherine Calvet
Les Bories
46330 CREGOLS
Tél. : 05-65-24-79-32

Etonnants Voyageurs
Saint Malo