Je profitais des joies de la Toscane, la journée avec la chaleur accablante rythmée par le café serré du matin, les promenades à vélo sur les petits chemins tracés entre les vignes aux raisins encore discrets et les oliviers à la douceur de velours. La paresse se rappelait à moi une fois installée dans un hamac, arrimé solidement à un figuier dont les fruits encore verts promettaient du plaisir à portée de bras.
Dans un sursaut de dynamisme inopiné, je suis allée rendre visite à Ardengo Armani le voisin, producteur confidentiel de l’huile locale. Ardengo, grand-père de 88 ans à l’œil pétillant et à l’allure vive, triait patiemment des haricots blancs à l’ombre de la petite église qui jouxte sa maison. Fier de son savoir-faire, Ardengo a soulevé le rideau de feuillage afin d’entrer de l’autre coté, presque à l’intérieur de l’olivier, me dévoilant le secret de la taille. Ainsi dégagé, il s’avère que le soleil pénètre plus facilement et agit d’avantage sur les fruits. L’huile d’olive est produite ici dans les règles de l’art : pas une olive tombée de l’arbre ne sera pressée avec les celles qui seront cueillies en novembre. Cette rigueur se goûte lors d’une exceptionnelle dégustation. Ardengo plonge un récipient dans l’une des deux jattes en terre cuite qu’il conserve dans son arrière cuisine et en retire une dose d’huile d’olive qu’il nous fait goûter, un peu gêné, nous expliquant que la cueillette de l’année dernière avait été un peu prématurée. L’huile arborait un jaune doré proche de la couleur du sauternes, si ce n’était l’épaisseur onctueuse du liquide. En bouche, une impression suave et légèrement amère se dégageait. Impossible d’en rapporter ne serait-ce qu’une once, Ardengo garde sa production pour lui…