mercredi 29 juillet 2009

Farniente à l'ombre des oliviers toscans

L’avion qui relie Paris à Pise s’est posé tout en douceur sur la piste italienne. Marco, le toscan aux lunettes de soleil et combi Volkswagen, m’attendait afin de m’acheminer vers Campo, village situé dans les alentours de Pise, au bord de l’Arno. Arrivée très tôt le matin, j’ai découvert un village qui se préparait aux festivités que se partagent le parti communiste local et le curé. Chaque maison arborait des banderoles et fanions flottant aux couleurs de l’un des quatre quartiers de Campo. Il faisait beau et j’étais en vacances.


Je profitais des joies de la Toscane, la journée avec la chaleur accablante rythmée par le café serré du matin, les promenades à vélo sur les petits chemins tracés entre les vignes aux raisins encore discrets et les oliviers à la douceur de velours. La paresse se rappelait à moi une fois installée dans un hamac, arrimé solidement à un figuier dont les fruits encore verts promettaient du plaisir à portée de bras.

Dans un sursaut de dynamisme inopiné, je suis allée rendre visite à Ardengo Armani le voisin, producteur confidentiel de l’huile locale. Ardengo, grand-père de 88 ans à l’œil pétillant et à l’allure vive, triait patiemment des haricots blancs à l’ombre de la petite église qui jouxte sa maison. Fier de son savoir-faire, Ardengo a soulevé le rideau de feuillage afin d’entrer de l’autre coté, presque à l’intérieur de l’olivier, me dévoilant le secret de la taille. Ainsi dégagé, il s’avère que le soleil pénètre plus facilement et agit d’avantage sur les fruits. L’huile d’olive est produite ici dans les règles de l’art : pas une olive tombée de l’arbre ne sera pressée avec les celles qui seront cueillies en novembre. Cette rigueur se goûte lors d’une exceptionnelle dégustation. Ardengo plonge un récipient dans l’une des deux jattes en terre cuite qu’il conserve dans son arrière cuisine et en retire une dose d’huile d’olive qu’il nous fait goûter, un peu gêné, nous expliquant que la cueillette de l’année dernière avait été un peu prématurée. L’huile arborait un jaune doré proche de la couleur du sauternes, si ce n’était l’épaisseur onctueuse du liquide. En bouche, une impression suave et légèrement amère se dégageait. Impossible d’en rapporter ne serait-ce qu’une once, Ardengo garde sa production pour lui…



Le soir venu et les cigales endormies, je me suis mêlée aux habitants du quartier afin de partager ensemble la « suppa », sorte de salade à base de pain, d’huile d’olive et de légumes. Chaque famille a sa propre recette gardée jalousement mais dont le résultat régale les tablées. La cuisine est italienne. J’ai pensé à Michel Troisgros qui évoquait la présence de la trancheuse de jambon… Ici aussi, elle était là, au milieu de la cuisine, bien visible.



Marco, Carlo et Françoise louent une jolie villa à Campo, à vingt minutes de Pise, dans la campagne entre la mer et la montagne...

samedi 25 juillet 2009

La table de Claire, un bistrot au prix... nomiques

Je suis passée devant un magasin de chaussures et je suis entrée. A 12,5 cm du sol, j’ai simplement pensé qu’il serait peut être plus pertinent d’écrire un blog sur les chaussures à talons qui offrent une nouvelle perspective du monde. Cela a un peu atténué ma colère et ma gêne !

Le cadre était pourtant sympathique. Situé au bout d’une rue calme et typique du onzième arrondissement, la Table de Claire avec ses petites tables rouge coquelicot en terrasse incitait à s’installer pour lézarder, malgré la météo mitigée.

A la cuisine, une jeune femme sympathique, bloggeuse de surcroît, assurait un joli repas niçois. Le principe est le suivant : une fois par mois, les propriétaires du lieu invitent des passionnés de cuisine à se prendre au jeu et à offrir aux clients un menu alternatif portant la signature du chef invité.

Rosa Jackson, canadienne installée en France depuis quelques années déjà, journaliste gastronomique reconvertie en professeur de cuisine, avait préparé un menu simple avec des produits du sud afin de faire partager son goût pour la cuisine typique de sa ville. Pissaladière, ratatouille, petits légumes farcis, poulet au pastis et à la rouille… des plats simples, conviviaux, sentant le goût du soleil qui se cache des terrasses parisiennes.

Le déjeuner avait tous les ingrédients pour permettre une pause méridienne aux allures méditerranéennes. Le hic, l’élément perturbateur, l’objet de mon ire s’était immiscé sournoisement dans le prix des plats, très éloigné des informations du site internet et à mille lieux de l’esprit du déjeuner ! 10 euros l’entrée, à savoir un huitième d’une pissaladière ronde ! 19 euros les petits (petits) légumes farcis ! Et 10 euros les desserts qui resteront en cuisine !

La convivialité a-t-elle un prix ? A 12, 5 cm du sol, je repensais à certains lecteurs s’interrogeant sur l’investissement à mettre dans le menu d’un étoilé… Si la vision est différente vue du haut, encore faut-il maîtriser la démarche. Les pigeons parisiens savent encore s’envoler et préfèrent partir saluer Rosa Jackson à Nice.



La table de Claire
30, Rue Emile Lepeu
75011 Paris
01 43 70 59 84

Rosa Jackson; blog en anglais.
Rosa relate son expérience de chef d'un soir

samedi 18 juillet 2009

L'Office de Nicolas Scheidt

Le six juillet, la chaleur était accablante, c’était la semaine d’été à Paris, et la nuit de l’Omnivore au point éphémère. Dans la salle comble, Grégory Lemarchand, jeune chef de Frenchie, table montante à Paris, nous avait régalé de son entrée festive, colorée et savoureuse.
Jeudi 16 juillet, la rareté calorifère pointant de nouveau son nez avant le déluge annoncé par une atmosphère chargée, l’envie de se replonger dans une salade de tomates cerise destructurée portant la signature du chef de la rue du Nil ressurgit de façon prononcée.

Oui, mais… après avoir ravi 150 invités au début de l’été, je n’étais pas la seule froggy à vouloir me rafraîchir devant une assiette inventive. Point de tablée disposée à m’accueillir ! Qu’à cela ne tienne, si ce n’est lui, ce sera donc son (beau) frère… puisque tout d’eux se sont rencontrés dans les cuisines de Jamie Oliver de l’autre côté du tunnel. C’était donc décidé, direction l’Office, rue Riché dans le neuvième arrondissement.

Petite salle au chef invisible, le restaurant se veut dans l’air du temps, bistrot épuré à la déco légèrement vintage, deux (jeunes) hommes en salle, miroirs nordiques de leurs acolytes du restaurant Chateaubriand, à la même allure décontractée … c’est aussi ça la nouvelle cuisine ! Une carte, changeante, trois entrées, deux plats, trois desserts. La carte des vins, intelligente mais ne privilégiant pas le vin au verre. Les plats arrivent du sous-sol où officie Nicolas Scheidt, le jeune chef.
L’entrée, comme je m’y attendais, est superbe. Des blancs de seiche, fermes, enrobés dans un joli méli-mélo de douces tomates cerise confites. Des olives noires dénoyautées fraîchement, relèvent par leur très légère amertume le sucré des petites tomates. De délicates feuilles de basilic pourpre sont déposées çà et là, ajoutant une douceur subtile, différente de celle apportée par les oignons nouveaux à cette assiette savoureuse. Son allure et son inventivité pertinente fait écho à celle de son camarade de la rue du Nil.

Malheureux hasard ou erreur d’appréciation, la suite ne fut pas à la hauteur de l’entrée malgré une présentation des plus appétissantes… J’avais délaissé la pintade avec ses pommes de terre boulangère, lui préférant le poisson plus léger dans la chaleur orageuse de cette soirée. Un inexpliqué surplus de salaison me fit oublier jusqu’au nom de l’animal marin et commander plusieurs carafes d’eau ! Déçue, je ne pus m’empêcher de planter ma fourchette dans un morceau de pintade trônant dans l’assiette me faisant face. La frustration fut alors à son comble car la viande était délicieusement fondante et parfumée, presque printanière grâce à une cuisson à basse température.


Laissant mon assiette à moitié pleine, j’accueillais, avec un délice non feint, les desserts : la tarte au citron dépourvue d’amertume, étonnante par sa douceur tout juste sucrée, était surmontée d’un caramel, certes agréable mais superflu ; le sorbet à la framboise, joliment présenté avec des framboises entières et un biscuit maison, manquait, en revanche, de subtilité.

La salaison excessive ressurgit comme une métaphore dans l’addition. Si les idées apparaissent aux détours des plats, il manque encore de la maîtrise pour justifier des prix un peu exagérés en temps de baisse historique de la TVA !

L’office
3 rue Riché
75009 Paris
01 47 70 67 31‎
Frenchie
5 rue du Nil
75002 Paris
01 40 39 96 19‎
www.omnivore.fr

lundi 13 juillet 2009

la terrasse du 104



Paris est parfois une ville étonnante… loin des sentiers battus et autres carrefours haussmanniens, il est des lieux inattendus. Le 104 en fait parti ! Caché au milieu des tours bétonnées du XIXème arrondissement non encore bobohisé, les pompes funèbres de la ville de Paris ont été réhabilitées et réaffectées à un usage artistique. Happé par la curiosité et la sensation d’être à un endroit dans lequel le public n’est pas autorisé, je me retrouve au milieu de l’immense hall, coupé du monde, comme dans une immense parenthèse, entre deux rues. Le silence sourd est interpellant, rythmé ça et là par des bruits métalliques. Mon pas hésite dans sa progression au fur et à mesure que naît l’interrogation de savoir si le « 104 » est bien ouvert au public aujourd’hui. Je dépasse, avec étonnement, une voiture bleue garée de travers.
Entre deux expositions, le lieu semble désaffecté, et pourtant, le badaud qui décide de franchir les portes vitrées, se trouve progressivement projeté dans une sorte de tableau photographique à l’allure lynchéenne. Au milieu du hall, un camion à pizza est posé. Seuls manquent une petite musique et des néons lumineux. Quelques tables à pique-nique accueillent de façon parsemée des amateurs de pâtes à pain. Sont-ils humains ou automates mécanisés ? Parsemés çà et là, des chaises longues et des canapés recouverts de draps anthracite prennent place de façon anonyme. Des téléviseurs diffusent des images. Qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ?


Et soudain, alors que l’extrémité de ce gigantesque espace laisse entrevoir la rue d’Aubervilliers, apparaît à gauche, discrète dans son renfoncement, une petite terrasse animée… des voix s’élèvent dans un léger brouhaha, les visages sont animés et des serveurs souriants, carnet à la main, dansent de tables en tables. Attablée sur du formica épousant la géométrie de tiges d’acier d’une époque révolue, je m’apprête à commander une formule trois entrées pour douze euros sur le menu hebdomadaire. Sous le parasol, je me délecte d’un carpaccio de veau relevé d’huile d’olive, de parmesan et de noisettes. Je plonge ensuite ma fourchette dans une coupelle accueillant une douce faisselle parsemée de croquantes et acidulées tomates cerise et olives noires. Puis je termine mon repas par la troisième entrée : une salade de pastèque légèrement sucrée contrastant avec le sel de la feta et la chlorophylle fraîche apportées par de la menthe ciselée…

Entre deux rues d’un quartier « hlm-isé », tout n’est que luxe, calme et … volupté.



Le 104
104 rue d'Aubervilliers / 5 rue Curial75019 Paris
ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 11 heures à 21 heures, et les vendredis et samedis, jusqu’à 23 heures.
Fermeture estivale du lundi 10 au lundi 24 août inclus.
http://www.104.fr/#fr/

http://www.104.fr/#fr/Artistes/A132-Tadashi_Kawamata

http://www.104.fr/#fr/Commerces/37-Cafe








vendredi 3 juillet 2009

Ispahan- pierre Hermé


Rue Bonaparte, en pleine manifestation silencieuse à Téhéran, je désigne cyniquement un Ispahan au jeune homme qui sert les clients dans la boutique-galerie de Pierre Hermé. Il fait beau, les femmes sont en jupes, en robes multicolores, les genoux apparents, les lunettes de soleil à la Jackie Onassis couvrant plus que les yeux. Mon gâteau est emballé dans une boîte aux tons pastel, déposée dans un sac en papier ajouré de feuilles de tilleul… très chic.Déposé délicatement dans une assiette, le gâteau de Pierre Hermé semble renfermer ces évocations propices à la rêverie. Comme dans un songe éveillé, Ispahan, la ville d’Iran, se devine aux couleurs pastel, aux jardins parfumés de roses et de jasmins.

Entre deux coques roses de macaron, à l’intérieur d’un rempart de framboises, se cachent une crème aux pétales de rose et des letchis frais. La délicatesse de l’assemblage dégage une sensualité suave que l’on découvre en tentant de couper une part à l’aide d’une fourchette à dessert. La fragilité n’est qu’apparente, le macaron se tient, ne s’effondre pas. Certes, l’aspect que l’on osait à peine toucher, est légèrement effrité, mais c’est pour offrir une autre facette, moins visuelle, plus savoureuse, plus fraiche, plus parfumée. Le léger bruit de la coupe, franc, laisse présager le croustillant du macaron et l’aérien de la crème. La délicatesse des saveurs s’impose au palais. La carapace à la rose fond délicatement et se laisse subtilement réveillée par la framboise et la profondeur du letchi. L’Ispahan est une des rares pâtisseries qui se marie délicieusement avec la chaleur de l’été. Les bouchées sont intenses en saveur et peuvent s’étaler le long d’un après-midi paresseux.

Ispahan, berceau de l’empire perse, se laisse évoquer devant ce sublime macaron. Les images défilent, puis, la beauté laisse peu à peu place à la nostalgie à mesure que le gâteau se réduit. L’Ispahan d’Hermé serait-il la consolation offerte à une féminité répudiée, à une existence cachée ?