lundi 24 novembre 2008

Les légumes de Joël Thiébault


L’automne semblait céder la place à l’hiver de façon précipitée, talonné de très près par la dépression saisonnière. Le ciel était gris, le vent froid soufflait fort : l’heure de la soupe avait sonné ! Soucieuse de suivre à la lettre les prédications des panneaux publicitaires placardés un peu partout incitant à consommer « cinq fruits et légumes par jour », je me trouvais soudain hébétée au rayon fruits et légumes d’un supermarché sans âme. Certes les légumes illuminés par les néons étaient gonflés, brillants, rutilants… mais uniformes. Le même calibrage pour les courgettes, le même rouge coquelicot pour les tomates… et le même soupir échappé face à cette monotonie de produits aux couleurs presque trop criardes, rangés scrupuleusement dans des cageots et qui sentaient l’ennui à plein nez.

Afin de lutter efficacement contre le spleen que m’inspiraient des légumes dépourvus de saveur et de surprise, je décidais de me rendre de bonne heure, un samedi matin, avenue du président Wilson. C’est au pied du pont de l’Alma que je me mis à piétiner l’allée du marché dans lequel œuvre le fameux marchand de couleurs, le maraîcher réconciliateur, le fournisseur des grands restaurants parisiens.

Le gigantesque étal du maître potager, composé des légumes bigarrés, chamarrés, provoquait ma curiosité… Je me faufilais dans la foule, ne sachant pas où porter mon regard. En haut ? Les pancartes des produits accrochées donnaient quelques appétissantes indications. Devant ? La multitude de formes, de couleurs et d’odeurs forçaient l’exaltation. Derrière ? Des silhouettes de grands chefs composant leur panier se découpaient sur fond de végétaux divers et inconnus…
Si Joël Thiébault, cultive ses légumes avec passion, il a su également distiller son amour pour les plantes potagères à toute sa brigade. Ainsi, je fus accueillie avec le sourire et la patience nécessaire à tout apprentissage. Le maître sut piquer ma curiosité et susciter mes envies. Je voulais des potimarrons, mais il était déjà trop tard, ils étaient partis… on m’expliqua alors que la récolte de ce type de courge s’était révélée parcimonieuse cette semaine… En ardent défenseur de l’agriculture raisonnée, Joël Thiébaut respecte non seulement les saisons, mais aussi le rythme de maturation de ses « produits vivants ».

Par chance j’appris que j’allais goûter aux dernières tomates de la saison. Choisies délicatement par le maraîcher, je déposais dans mon panier trois tomates, aux différentes tailles, s’unissant dans un camaïeu orangé…Enhardie par ses couleurs résistantes de l’été, je me laissais tenter par les navets boules d’or voisinant avec des violets plus traditionnels. J’étais lancée dans le tubercule… Mon guide m’invita à emporter des carottes en me composant un bouquet aux teintes orange, jaunes, blanches et violettes, certaines étaient arrondies et sucrées, d’autres étaient parées de deux jambes ; certaines se croquent crues alors que d’autres dévoilent leur saveur une fois cuites... Je fis le choix de ne pas goûter le célèbre chou mauve et me concentrais sur les salades : composant un assortiment de feuilles de chêne et de la traditionnelle laitue, je décidais d’expérimenter les feuilles de moutarde, très poivrées et une botte de ciboulail afin de piquer ma vinaigrette. Mon panier plein de vitamines et de bonne humeur, je repartais réconciliée avec l’automne qui me promettait désormais des assiettes pleines de vie, de saveurs et d’odeurs.

Joël Thiébault
le Mercredi et le Samedi
Avenue du Président Wilson (XVIème): Métro: Iéna (ligne 9) ou Boissière (ligne 6)

le Mardi et le Vendredi
Rue Gros (XVIème): RER: Av du Président Kennedy Maison de Radio France (ligne C)Métro: Boulainvilliers (ligne 6)

Aucun commentaire: